Dans la philosophie yogique de Patanjali on peut atteindre l’état de Yoga, qui est celui d’union et de plénitude, en respectant différentes étapes (voir article sur les 8 piliers du yoga). Satya appartient aux yamas, ces règles éthiques de comportement en société qui sont la base d’une vie yogique. Patanjali suggère que cet état d'Être soit intégré avant même de commencer toute posture ou médiation. Je pense qu’il est aussi possible que la pratique physique du yoga amène à mieux appréhender cette notion de Satya qui pourrait être traduit comme “vérité”, “sincérité”. Comment alors intégrer ce principe dans nos vies ? Vaste sujet…
D’un point de vue personnel, Satya nous invite à nous voir “honnêtement” comme nous sommes, sans artifices. Avec nos qualités, nos lumières, nos vulnérabilités, nos parts d’ombre et cela à chaque instant. Habiter Satya nécessite donc des capacités de discernement afin de réussir à observer avec bienveillance notre mode de fonctionnement, nos émotions, nos pensées, nos croyances. Il ne s’agit pas de juger ce que l’on voit de nous ni de s’en servir pour alimenter nos éternelles histoires du mental mais plutôt d’appréhender nos réactions face aux différentes situations de la vie.
Ce n’est pas toujours confortable de constater, par exemple, notre réaction de colère dans une situation. Pourtant, les émotions sont précieuses et nous indiquent souvent un besoin non pris en compte, un mouvement interne pour revenir vers une compréhension du soi, une vérité intérieure. Lorsque l’on observe l’émotion arriver, on peut l'accueillir, la vivre pleinement dans son corps sans rajouter en plus une surcouche mentale de souffrances; alors elle passe et son message peut se révéler.
Satya sur le tapis de yoga encourage le respect de son corps et de ses limites senties. Là encore il s’agit de ne pas suivre la dictature du mental qui veut faire cette posture avancée maintenant alors que le corps n’est soit pas prêt soit fatigué ce jour là. C’est seulement se rendre compte de cette pensée de performance, l’écouter, en prendre note voir en rire avec détachement, puis revenir à la vérité de l’instant. Et à chaque instant de nos vies, se poser la question de “qu’est ce qui est juste et vrai pour moi maintenant ?”
Il s'agit aussi d’écouter cette petite voix intérieure, notre intuition, qui nous rapproche de notre vérité, de notre âme, de notre moi profond. Satya nous encourage à être intègre et pleinement nous même en trouvant notre propre vérité sur le chemin de la connaissance de soi.
Et donc, il y a autant de vérités que d’Hommes sur Terre. Alors comment accorder les cartes du Monde de chacun si la vérité est subjective ? Doit on tout dire à l’autre sous prétexte de la vérité ?
Dans les yamas, Ahimsa (voir article) qui est la non-violence apparaît avant Satya. Alors oui la vérité est importante à vibrer personnellement mais dans la relation à l’autre, les yogis n’encouragent pas à tout dire au risque de blesser l’autre. Là encore le discernement et la délicatesse sont de mise. Marshall Rosenberg propose un outil intéressant : la communication non violente, appelée CNV, qui consiste à se dire à l’autre tout en écoutant et en respectant que l’autre puisse aussi se dire ; sans jugement, avec bienveillance. Il invite à penser et à choisir nos mots tout en prenant la responsabilité de nos vécus.
Parfois, s'abstenir d’exposer sa vérité est plus écologique à la relation. Pourquoi aurions nous besoin d’imposer notre vision du Monde à l’autre ? Pourquoi ne pas plutôt s’accorder pour que chaque personne joue sa note dans la symphonie de l’Univers ? Ne pourrions nous pas accepter que nos vérités divergent lorsqu’elles sont chacunes connectées à notre nature véritable ?
Je n’encourage pas non plus ici le mensonge qui coupe du flow de Satya. Il nous coupe de notre essence et son utilisation dans nos histoires mentales et dans les relations risque seulement de nous perdre à nous même et d’affecter nos liens. Certains diront que s’abstenir de dire la vérité c’est déjà mentir. Je crois que cela dépend beaucoup de l’état d'Être, du contexte, de l’intention et du sujet…
La vérité dans la relation, sujet de prédilection des philosophes, fera encore couler beaucoup d’encre et chacun en aura sa propre vision.
Habiter Satya, notre vérité intérieure, est possible grâce à l’écoute de notre sentir, de nos émotions, de notre intuition, grâce à l’observation de nos pensées et à l’utilisation de notre discernement. Patanjali dit que quand Satya est intégrée, les pensées, les paroles et les actes du quotidien sont alignés.
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