Une posture en yoga peut être difficile à prendre pour plusieurs raisons comme une tension musculaire, une compression osseuse, une limite émotionnelle, ou encore un blocage psychologique. Pour beaucoup d’étudiants il n’est pas facile de déterminer la cause de ce qui les arrête dans une posture. Il est pourtant intéressant, au cours de sa pratique, de se poser régulièrement la question "qu’est ce qui me stop ?". Pour trouver une réponse à chaque instant, il conviendra d’être attentif à ses sensations et de garder en tête les quelques notions qui suivent.
Les limites physiques
Chaque corps est unique. Et même souvent, au sein d’un individu, le côté droit et le côté gauche sont anatomiquement différents. En yoga, la forme du squelette influence la posture. Par exemple, dans la Pince, on peut avoir de longs muscles ischio-jambiers mais avoir un os de hanche plus épais que la moyenne ce qui bloque la flexion vers l’avant. Il existe deux familles de limites physiques : la tension et la compression.On peut ressentir des tensions dans différents tissus : la peau, les fascias, les muscles, les tendons et les ligaments pouvant eux limiter jusqu’à 47% du mouvement. Les muscles sont relativement capables de s’allonger. Les tensions dans ceux-ci ne sont donc pas les plus limitantes, elles peuvent se délier par des exercices rythmiques et répétitifs que l’on retrouve notamment dans le Vinyasa yoga. Les tensions dans les tissus conjonctifs, les tendons et les ligaments pourront, avec beaucoup de patience, s’estomper en pratiquant des étirements passifs tenus longtemps comme dans le Yin yoga. Notre corps est relativement adaptable et nos limites de tensions peuvent évoluer si l’on a une bonne hygiène de vie et si l’on pratique le yoga régulièrement et dans l’écoute et le respect de son corps.
On peut identifier une tension par l’étirement ressenti dans la partie du corps opposée à celle du mouvement.La compression, elle, est un blocage ressenti dans la même direction que le mouvement.
Le point de compression est défini par la forme de vos os. Il existe trois types de compressions :
La compression “douce” arrive quand deux tissus mous entrent en contact comme dans la posture de la Pince entre le ventre et les cuisses.
La compression “medium” est celle d’un tissu mou contre un tissu dur. Elle s’accompagne généralement d’une sensation de pincement comme dans la posture de l’Enfant où les os du bassin peuvent toucher les cuisses.
La compression dite “dure” correspond à deux os qui se touchent, c’est alors une sensation ferme, une limite définitive du corps. En fonction de l'amplitude d’angle que peut prendre votre col du fémur avec votre bassin, vous aurez plus ou moins de facilité à ouvrir vos hanches dans le Guerrier 2 ou dans le Triangle.
On peut parfois contourner une compression en adaptant la posture comme par exemple en écartant légèrement les jambes dans la posture de l’Enfant pour contourner une compression “douce” ou “médium”. On peut également utiliser du matériel ou alors choisir d’adopter une autre posture ayant la même zone cible pour continuer de travailler l’étirement souhaité.
Autre exemple, celui de la posture de l’angle large assis : si vous ressentez un étirement intense au niveau des adducteurs, c’est que probablement vous rencontrez une limite de tension. Vos muscles sont peut-être encore un peu courts, vos fascias et ligaments encore raides. Avec le temps et l'entraînement, vous pourrez peu à peu améliorer votre écart. Si dans cette même posture vous avez plutôt une sensation de blocage, c’est peut être que votre fémur se rapproche du bassin. Vous avez peut être atteint ici un point de compression, votre limite anatomique dans cette posture.
Le yoga ne pourra jamais vous faire être quelqu’un que vous n’êtes pas, avoir un autre corps. Reconnaître ses limites et les intégrer dans sa pratique est l’une des choses les plus importantes, notamment pour ne pas se blesser, pour apprendre dans l’humilité et pour cultiver Ahimsa, la non-violence.Apprendre à jauger nos limites implique que la bonne posture soit celle que l’on ressent, pas celle qui est calquée sur une photo d’Instagram. Vous l’aurez compris, chaque corps étant différent, la priorité donnée à l’alignement au détriment de l’anatomie et de l’intention de la posture peut finalement limiter le mouvement. L’approche fonctionnelle du yoga, où l’intention prime sur l’apparence, minimise les risques de blessures et correspond à la philosophie du yoga.
Les limites émotionnelles
Notre corps réagit aux émotions. On peut, par exemple, se tendre sous la colère, devenir atonique sous la tristesse ou encore se sentir plein d’énergie dans la joie. Nos émotions influencent notre corps et notre corps aussi, dans sa mise en mouvement, influence nos émotions. Il n’est pas rare de voir survenir des émotions pendant ou juste après un cours de yoga. Alors, il s’agit de simplement les accueillir, sans jugement. Une émotion est un mouvement interne qui passe rapidement si nous ne l’alimentons pas.
Dans un cours de yoga, on peut aussi rencontrer la peur, notamment dans les postures d’inversion ou d’équilibre. La peur, parfois protectrice dans une situation de crise, nous empêche, dans les autres situations, d’aller jouer avec nos limites en nous tenant bien trop éloignés d’elles. Rester dans sa zone de confort par peur nous prive aussi de nombreux apprentissages. Cela nous enferme dans une seule manière de nous rencontrer, celle que la peur a choisi. Le yoga nous apprend à abandonner nos peurs, avec douceur et patience.
Observer ses émotions dans un cours de yoga peut nous donner de précieuses indications sur notre manière de réagir aux évènements de la Vie. Suis-je frustré de ne pas réussir cette posture ? Jaloux de ma voisine qui la maîtrise mieux que moi ? Impatiente que cette relaxation soit terminée ? Heureuse de simplement m’accorder du temps ? Enjoué de maîtriser Sirsasana ? Encore une fois, soyez juste un observateur bienveillant à la recherche de la compréhension de vous-même.
Les limites psychologiques
En yoga, on travaille sur les limites psychologiques notamment via la méditation en apprenant à observer nos pensées et à calmer notre esprit. La pleine conscience est d’ailleurs un outil aujourd’hui utilisé par de nombreux psychiatres. Les lectures sur les philosophies bouddhiste et hindouiste peuvent également nous aider à comprendre comment fonctionne le mental et comment se libérer des souffrances pour atteindre un état de sérénité.Tous ces outils ne peuvent, en revanche, se substituer à la prise en charge thérapeutique, parfois nécessaire quand la souffrance est trop forte.
Les limites spirituelles sont aussi un rempart à la liberté. Nos croyances, nos dogmes, nous éloignent de l’expérience, du savoir vécu. Apprendre le détachement, ouvrir peu à peu les frontières de notre esprit nous amène à un nouveau monde où il n’y a plus ni soi ni l’autre pour simplement faire partie du Tout.
Quelques conseils pour terminer : évitez de vous identifier à vos limites, car celles d’aujourd’hui ne seront probablement pas celles de demain ; d’ailleurs, quand cela est possible, cherchez à les dépasser avec patience, humilité et discernement ; puis, acceptez avec détachement nos limites “dures” qui ne peuvent être changées. De plus, libérez-vous de la tyrannie de la posture parfaite et de l’idée que chaque yogi doit être capable d’exécuter toutes les postures.
Utilisez la posture pour entrer dans votre corps et n'oubliez pas que personne ne peut faire du yoga comme vous le faites, alors à vos tapis les yogis !